Seule la vérité est drôle, pas l’histoire. C’est seulement notre monde splendide - voilà ce qui nous intéresse. L’histoire ne compte pas, ce qui compte c’est le monde, à quoi il ressemble.

David Shield - Besoin de Réel

Glissement de terrain

Nicolas Perrochet, Glissement de terrain, Studio 21, 2023

Pour répondre à un besoin vital d’espace, Florence, issue de la classe moyenne dans une ville devenue trop chère, prend la tangente et part vivre à la campagne. Avec Ivan, son petit ami, elle achète un terrain brut et isolé pour y bâtir leur maison. 

Mais la vie nouvelle vire au fiasco. En dépit du bon sens, Florence s’obstinera malgré une réalité hostile. Elle découvrira, à ses dépens, que ce qui se cache derrière ce départ est un besoin impérieux d’individualisation devenu désormais inatteignable. Entre une réalité décevante et les fantasmes d’une vie devenue inaccessible; on glisse du rêve à la résignation, de la comédie au drame.

Devenir propriétaire de sa maison: objet et incarnation du rêve.
Ce projet d'acquisition est propre à révéler d’autres champs émotionnels, notamment ceux de l’amour, du couple et de la famille. Champs qui par contamination du champ social et économique (marqueurs d’un déclassement social tout au long
de l’histoire), deviendront au fil de l’histoire impossible à investir.

Le projet d'Ivan et Florence est un chantier dans lequel on s’embourbe.
Les situations sont hautement théâtrales, elles font la part belle à un humour corrosif pour écrire au plus près la comédie âpre grotesque de ce drame banal.

Les acteurs, le jeu et les situations sont au coeur de ce travail. Cette façon d’appréhender le texte et la scène engendre une esthétique sans sophistication superflue. Les éléments scéniques se font relais de jeu et de sens. C’est l’acteur qui à travers son corps et ses mots, qui fait apparaitre cette nature luxuriante que les personnages sont venus chercher.

Distribution

Ivan Cori, Glissement de Terrain, Studio 21, 2023

Conception et mise en scène : Hélène François
Écriture : Hélène François, Andréa Brusque, Ivan Cori, Ophélie Legris et Nicolas Perrochet
Lumières : Thibault Marfisi
avec Andréa Brusque, Ivan Cori, Ophélie Legris et Nicolas Perrochet
Assistante à la mise en scène : Sylvie Desbois
Administration / Production : Mélissa Djafar
Diffusion : Marie Leroy
Production : Studio21

Coproduction : Théâtre de la Reine Blanche

Soutiens : DRAC île de France, Spedidam

Crédit photo © Andréa Brusque et Hélène François

Hélène François, compagnie Studio 21, soutien Spedidam

Extrait

Ivan Cori, Glissement de Terrain, Studio 21, Hélène François, 2023

Elda. -  Tu me détestes je t’exaspère je comprends 
mais en attendant
tu peux dire merci à la pancetta qui te permet de faire tes fantaisies-là. 
Tu devrais t’incliner devant la charcuterie italienne
dire merci merci merci merci merci
parce que sans la pancetta, c’était niet.
Pas besoin d’aller je sais pas trop où pour aller faire des enfants
on n’est pas des animaux pas besoin d’être à la campagne.

Florence. -  Maman 
je n’ai pas fait 2 années en sociologie et un Bac plus 5 en communication pour vendre des vêtements dans une boutique

Elda. -  Tu sais faut pas mépriser les petites gens. 

Florence. -  Je ne méprise pas les petites gens.

Elda. -  Tu sais combien d’heures, de jours on a travaillé avec ton père?

Florence. -  À ton époque c’était encore possible à 35 ans d’avoir 
un trois pièces une voiture des vacances
Laisse-moi au moins avoir l’opportunité de construire

Elda. -   Donc aujourd’hui tu dilapides
tu vas t’acheter un jardin moi je te soutiens il n’y a aucun problème.

Florence. -  Je dis juste que ce genre de trajectoire n’est plus possible
ça m’intéresse pas de faire de l’argent pour essayer de vivre

Tu peux comprendre que j’ai pas envie de ça ? De prendre un travail qui ne m’intéresse pas pour rembourser un crédit qui m’aura permis d’acheter un appartement qui sera malgré tout encore trop petit dans un environnement qui me rend malade

Elda. -  Et comment elle fait la fille de Jocelyne?

Florence. -  Arrête avec la fille de Jocelyne!

Ivan. -   Vous trouvez ça beau Elda?

Elda. -  Oui c’est beau.

Florence. - Je sais pas décris ton environnement
J’ai l’impression que tu vois rien. 
Qu’est-ce que tu vois ?

Elda. -   Ben, y’a de la flotte.

Florence. - Maman 

Elda. -   C’est beau, c’est bien. 

Florence. - Je le fais aussi pour toi.

Elda. -   Ah ben tiens!

Florence. - Parce que je vois bien t’es toute seule et j’ai peur

Elda. -   Allez, pédale.

Florence. - Quand tu te sentiras plus de faire les trucs toute seule, on pourra t’accueillir dans la dépendance...

Elda. -  Une tombe. Creuse-moi une tombe ça m’ira très bien.

Florence. - J’ai envie d’être heureuse.

Elda. -   Pourquoi faire?

Florence. - Comment ça ?

Elda. -  Pourquoi faire ? Tu te lèves le matin, tu te dis, tiens tu vas être heureuse aujourd’hui. ça rapporte quoi d’être heureux ? Des emmerdes. Toi t’es heureuse toi ?

Florence. - Justement j’essaie.

Elda. -  Ben ça se voit pas.

Florence. - Toi non plus.

Elda. -   Hé ben tant mieux, mais moi j’ai pas cherché. Toi tu cherches et t’y arrives pas c’est la différence. Moi j’ai pas cherché. Tu vois quand tu cherches pas, t’es pas déçu.

Florence. - Donc je devrais accepter d’être malheureuse sous prétexte que toi t’as accepté d’être malheureuse pendant 50 ans.

Elda. -  Non non, non, tu n’acceptes rien. Toi ? Tu n’acceptes rien, c’est pas difficile, tu n’acceptes rien.

Florence. - Mais je ne comprends même pas ton discours, tu veux quoi? Mais réponds-moi, tu me réponds pas, réponds-moi!

Elda. -  Non mais je crois que ton choix tu l’as fait, la cabane est tombée sur le chien, je vais mourir et puis ça ira très bien.